vikings92 a écrit :Salut farlen,
J'ai vécu deux périodes de bads beats profondes.
(...)
Salut Viking,
Je ne reprends pas tout le reste de ton post, mais la coupure est à la mesure de l'intérêt que je lui porte.
Pour situer les choses avec un peu de recul, je crois que j'ai compris un peu mieux ce qui se passe.
Comme je l'avais dit, j'ai donc réduit le nombre de mes parties quotidiennes à deux ou trois, selon l'étât d'esprit. Rien n'y a fait, j'ai continué de perdre (i.e. avant les places payées) toutes mes parties à 10 $, puis à 5 $ où je m'étais replié.
Aujourd'hui, et près le transfert depuis Winamax, ma bankroll online s'élevait en tout et pour tout à 75 $ laissés sur winamax et — les échecs se succédant — à autant sur Pokerstars. Autant dire que j'étais au bord de la « brokitude ».
Voyant que je n'arrivais même pas à me faire payer aux 5 $, je me suis alors tenu à peu près ce langage :
« Soyons sérieux, y a un blème là :
- soit je suis complètement nul au Poker, mais pourquoi étais-je autant gagnant avant... On ne devient pas comme ça mauvais du jour au lendemain, même si la poisse se met à vous coler à la peau.
- soit c'est que mon style de jeu n'est tout bonnement pas (plus) adapté au jeu pratiqué à ce niveau de mise.
Conclusion : soyons fou, je tente le tout pour le tout... »
Arrivé à 75 €, donc, j'ai décidé de reprendre une partie à 20 + 2 $, le niveau que j'ai en gros toujours pratiqué sur Pokerstars. (C'est à 50 $ sur Winamax, mais c'est une autre histoire).
Résultat des courses : 1er pour un gain de 90 $.
« OK, me dis-je in petto, c'est peut-être qu'un coup de chance. Vérifions cela... »
Je lance une seconde partie à 22 $ dans la foulée... et re-1er !
Bon, on ne peut pas tirer des conclusions définitives à partir de ce retour gagnant qui ne présage rien de l'avenir, mais je ne peux que constater ceci :
— Question jeu, j'ai conservé exactement le même quel que soit le buy-in. Ce n'est donc, je crois, définitivement pas la raisons de mes récentes déconvenues. Certes, il faudra toujours l'améliorer — le débat sur la main perdue avec les As le montre clairement — mais disons que le socle est a priori bon.
— Seulement voilà, c'est le second constat : je suis INCAPABLE de gagner, ou même d'être payé, au petit buy-in de 5 $, et très rarement de 10 $. Il semble que mon style de jeu n'est efficace qu'à partir de 20 $ +. Mes ROI affichés sur Sharkscope sont d'ailleurs terriblement éloquents :
• 5 $ : ROI :
- 60 % (Pokerstars / 30 parties)
• 10 $ : ROI :
- 42 % (Pokerstars / 121 parties)
• 20 $ : ROI :
+ 23 % (Pokerstars / 103 parties)
• 50 $ : ROI :
+ 22 % (Winamax / 114 parties)
Le nombre de parties pour ces calculs n'est pas titanesque, mais il est — je crois — assez révélateur d'un gros problème à faible buy-in, alors que je suis beaucoup plus à l'aise à 20% +.
Pour la petite histoire, si j'ai joué des buy-in inférieurs, c'est parce que je me suis payé un "stage intensif" de MTT avec mes gains en Sit & Go. Je n'y ai pas fait des merveilles, mais il m'était nécessaire de m'entrainer à ce style de gros tournois (je jouais le plus souvent des MTT d'environ 3 000 joueurs à 11 $). Quoiqu'il en soit, ma bankroll ayant fondu, j'ai entrepris de la re-grossir en respectant la règle du choix du buy-in = environ 20 % de la bankroll. D'où les parties jouées à 10 $, puis 5 $.
On voit que ça a été une terrible erreur ! Au lieu de remonter, j'ai sombré dans un gouffre, d'autant plus profond que j'ai connu durant cette période une poisse de tous les diables. (Au passage, au grand jeu du crackage des premium [AA, KK, AK], c'est finalement le 15ème qui est enfin passé : un KK avec lequel, oui ! oui !, j'ai pu gagner un coup
)
Conclusion (provisoire) de toute cette histoire : tout porte un croire que j'ai un style de jeu à absolument conserver (et améliorer) à buy-in moyen +, mais à ne SURTOUT PAS jouer à faible buy-in. Aussi invraisemblable que cela paraisse, tous les chiffres montrent que je suis incapable de jouer avec un trop grand nombre de (réputés) joueurs de faible niveau.
Sur les raisons de cette incompétence, j'ai quelques idées. D'abord pour des raisons statistiques : les mains les plus fortes perdent considérablement de valeur avec le nombre de joueurs entrants. Ainsi, avec une relance typique (3 ou 4 BB) avec AK en table correcte, seulement un, voire deux joueurs suivront, et aussi souvent il n'y aura personne pour suivre. En revanche, à faible buy-in, il y a toujours un minimum de joueurs pour suivre (un fold de toute la table est extrêmement rare), de sorte qu'on a en général au moins deux ou trois joueurs pour vous mettre des bâtons dans les roues.
Le résultat se fait sentir dès le flop : si on a touché, même une ouverture ou une relance à 3/4 du pot ne fera pas coucher ceux qui ont touché la seconde ou troisième paire, ceux qui ont un tirage, une pocket paire, etc.
Tout simplement parce qu'ils se moquent des cotes, ou ne les connaissent pas ! Du coup, les incidents se multiplient à la turn et à la river, et les bad beats sont plus réguliers. Et je ne parle même pas du cas où on ne touche pas au flop : vouloir bluffer le coup est injouable à ces tables. Sur une table correcte, en revanche, il est possible de miser sans se voir opposer une relance x 10, d'intimider l'adversaire, de bluffer, de rentabiliser sa main, etc.
Bref, j'ai l'impression qu'un style de jeu sérieux est impraticable sur toute la durée d'une partie à faible buy-in. Comme je l'ai dit dans un post précédent, il n'y a en fait pas trop de problème pour monter du jeton dans un premier temps. Mais tôt ou tard avant la bulle, un incident survient constamment à cause de l'accumulation des risques démultipliés par le nombre de joueurs entrant dans chaque coup.
Si je pond tout ça, c'est parce que je suis en passe de
totalement remettre en cause la sacrosainte règle qui veut qu'on descende de niveaux de buy-in pour l'ajuster à sa bankroll (en gros : buy-in = BR/20). Cette conduite m'a pourtant toujours semblé éminemment raisonnable, logique et respectable. Je me souviens d'ailleurs de l'article de François à ce sujet, et je l'ai toujours considéré comme remarquable.
Pour autant, il semble qu'en se "formatant" pour une certaine qualité de jeu — ou disons pour une partie disputée avec des joueurs qui ne font pas n'importe quoi —, on devienne incapable de s'adapter aux autres. Du moins en sit & go, et du moins en ce qui me concerne.
Car appliquée aux MTT, cette approche n'est plus vraiment valable. Je l'ai en partie découvert durant le "stage" intensif que j'évoquais. En effet, on est heureux d'avoir ces joueurs fantasques dans les premiers niveaux du tournois car ce sont eux qui permette de monter du jeton. Et effectivement, un jeu sérieux marche dans ce cadre. D'où vient la différence ? Je pense que c'est essentiellement lié au fait qu'on a souvent deux fois plus de jetons au départ (en gros 2 500 ou 3 000 au lieu de 1500 en sit & go), et que ce stack plus profond permet d'encaisser environ deux ou trois bad beats en MTT, quand un ou deux deviennent rédhibitoires en S&G. Ensuite, dès qu'on a monté un peu de jetons, on absorbe d'autant plus les mauvais coups et, surtout, ils deviennent (en proportion) plus rares à mesure que le niveau s'élève. Car telle est bien la différence majeure entre un S&G et un MTT : le niveau général est fixe dans le premier tandis qu'il s'élève dans le second. On peut dès lors déployer un jeu plus fin à mesure que le temps passe, sans qu'il soit noyé, absorbé ou rendu impraticable contre des joueurs de niveau plus faible.
Pour conclure, entendons-nous bien : loin de moi l'intention de faire passer l'idée que je suis un bon joueur, que ceux des buy-in faibles sont tous nuls, ou quoi que ce soit de ce genre. Mais mes récentes déconvenues — et les chiffres factuels de mes ROI — m'ont fait prendre conscience qu'il m'est impossible d'avoir un jeu polyvalent, praticable à tous les niveaux.
De même que la malchance que l'on se découvre comme je l'ai fait peut être en fait amplifiée par le fait même que — à faible buy-in — tous les coups sont quasiment joués. Tandis qu'à buy-in plus élevé, ceux qui auraient potentiellement pu se révéler à l'affichage du board ne sont pas vus... puisque les autres joueurs ont tout simplement foldé avant qu'il ne s'affiche totalement.
Ah oui, une dernière chose qui, je pense, est liée à tout ça. Comme beaucoup, j'ai lu avec attention les bouquins d'Harrington, Montmirel et consorts. Ils sont incroyablement enrichissants... mais
je crois totalement déconnectés du jeu tel qu'il est pratiqué sur Internet aux niveaux de buy-in faible à moyen. On va peut-être me prendre pour un glo-glo, mais je crois pouvoir affirmer que quiconque appliquerait à la lettre leurs conseils — si précieux par ailleurs — à ces niveaux serait tout bonnement incapable de gagner sur le long ou même le moyen terme. Tout simplement parce que le Poker qu'ils évoquent est celui de haut vol, qui repose en particulier sur les notions de risque calculé, de coups rentables, de fold equity, etc. C'est un Poker avec ses codes, ses démarches raisonnées qui, une fois assimilés, peuvent être détournés et enrichis par une certaines subtilité, voire beaucoup de talent.
Mais ce monde merveilleux du Poker décrit par ces bouquins n'a rien à voir avec la réalité de ce qu'on trouve sur Internet aux niveaux de buy-in « raisonnables ». Désolé, M. Harrington, mais relancer — comme vous le recommandez — de 4 ou 5 BB avec 9-9 en début de parole « car vous souhaitez remporter le pot tout de suite » est quasi-suicidaire à ces niveaux. Vous serez suivi par une sarabande de J-T, A-T et autres Q-8s (histoire de chopper la suite par le ventre, bien entendu). Autant de cartes supérieures qui, jouées simultanément, assureront à l'un ou l'autre des joueurs entrants une paire plus forte que la vôtre. Il semble qu'à ce stade, toute construction raisonnée du jeu doivent s'effondrer comme un château de cartes.
Au bout du compte, je me demande si, à moins d'une chance extraordinaire, il est possible de gagner régulièrement à ces niveaux. Et je rêve d'un bouquin argumenté qui en donne l'invraisemblable recette.
@+ Farlen