[Article] Conséquences de la décision du TGI de Toulouse

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Bikoum
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[Article] Conséquences de la décision du TGI de Toulouse

Messagepar Bikoum » Vendredi 29 Juillet 2011 18:54

Tribune : « Ne tirons pas de conclusions hatives de la décision du TGI de Toulouse mais restons attentifs à cette affaire, » Sabine Lipovestky, associée chez Kahn & Associés

Le Tribunal de Grande Instance de Toulouse a défini le poker comme un jeu d’adresse lors d’une décision prise en juin concernant l’organisation de parties de poker que les autorités considéraient comme illicites.

Pour Sabine Lipovestky, avocate à la cour et associée chez Kahn & Associés, il n’est pas possible de tirer « de conclusions hâtives sur les conséquences d’une décision dont la portée est encore incertaine et qui vise un type de jeu de poker particulier, le Texas Hold’Em ». Toutefois, une attention particulière devra être portée sur cette décision, comme elle l’explique dans la deuxième partie de notre analyse couvrant la décision du Tribunal de Toulouse.

1. La question du poker en tant que jeu d’adresse est souvent mentionnée aux Etats-Unis, est-ce le cas en France et quel est son contexte ?

Le débat portant sur la qualification juridique du poker comme jeu d’adresse ou jeu de hasard revient régulièrement dans les prétoires français dans le cadre de poursuites pénales pour tenue de maisons de jeux de hasard. En effet, ce délit consacré à l’article 1er de la loi n°83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard est passible de sévères peines d’amende et d’emprisonnement. Le principal axe de défense des personnes poursuivies consiste à démontrer que le poker est en réalité un jeu d’adresse dans le but d’échapper à l’application des dispositions de ladite loi.

D’après une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation, le jeu de hasard se définit comme tout jeu où la chance prédomine sur l’habileté, la ruse, l’audace et les combinaisons de l’intelligence (Cass. Crim., 5 janv.1877 : DP 1878, 1, p.901).

Il est fréquemment soutenu que, dans le cadre du poker, l’expérience du joueur, son sens de l’observation et de la stratégie ou encore son aptitude à « bluffer » sont autant de preuves du fait que les combinaisons de l’intelligence prédominent sur la chance. Le poker serait donc un jeu d’adresse.

Jusqu’à la décision du Tribunal correctionnel de Toulouse en date du 20 juin 2011, une telle argumentation n’avait jamais été consacrée par le juge, ce dernier adhérant systématiquement à la thèse inverse en raison notamment du fait que le tirage des cartes, élément prépondérant du jeu, est caractérisé par le hasard le plus total. Cependant, tout en réaffirmant ce principe, la Cour d’appel de Versailles, dans une décision en date du 4 mars 2009, semblait admettre un tempérament. En effet, la juridiction d’appel indiquait que le hasard pouvait être « neutralisé par la multiplication des coups et des parties » sans en tirer aucune conséquence juridique en l’espèce. Le tribunal correctionnel de Toulouse s’engouffre aujourd’hui dans cette brèche.

Dans cette affaire, plusieurs hommes d’affaires toulousains étaient poursuivis pour avoir organisé au sein des locaux d’une association des parties et tournois de poker dit « Texas Hold’Em ». La défense s’est appuyée sur l’avis de trois experts dont un joueur professionnel de ce type de jeu, un champion de France d’échecs et de bridge, jeux dans lesquels les combinaisons de l’intelligence prévalent sur la chance, ainsi qu’un Docteur en Mathématiques. La conjonction de leurs témoignages a ainsi convaincu le tribunal du fait que la technique et les qualités de maîtrise, de ruse et de « bluff » jouaient un rôle prépondérant dans le déroulement de ce jeu. Ainsi, la qualification de jeu de hasard a été clairement rejetée pour la première fois en matière de poker par un juge français. Cela ouvre la voie à d’importantes conséquences.

2. Comment la décision du Tribunal de Toulouse peut-elle impacter la législation sur les jeux en ligne ?

On ne peut tirer de conclusions hâtives sur les conséquences d’une décision dont la portée est encore très incertaine et qui vise un type de jeu de poker particulier, le « Texas Hold’Em ».

Si cette jurisprudence tendait à être généralisée à toute forme de poker, elle pourrait avoir pour effet de perturber le cadre établi par la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Le jeu de hasard que cette loi entend réglementer est défini en son article 2 comme tout « jeu payant où le hasard prédomine sur l’habileté et les combinaisons de l’intelligence ». Le texte impose notamment aux opérateurs de jeux de cercle en ligne tels que le poker, considéré comme un jeu de hasard au sens de la loi de 2010, de requérir un agrément auprès de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Si le poker n’était plus considéré par la jurisprudence comme un jeu de hasard, il n’aurait plus lieu d’être régi par la loi précitée. Dés lors, l’activité d’opérateur de jeu de poker en ligne pourrait se retrouver dépourvue de d’encadrement légal alors que tel était l’objectif du législateur en 2010. En outre, c’est l’obligation même d’obtenir un agrément qui pourrait être remise en cause. En effet, cette procédure est particulièrement lourde pour les opérateurs qui, de ce fait, verraient d’un bon œil l’existence d’un moyen d’y échapper.

3. Cette décision ne concerne que le Texas Hold’em, est-ce pertinent dans le contexte général?

Le fait que la décision ne porte que sur le « Texas Hold’Em » atténue la portée de cette décision. En effet, ce jeu également dénommé « poker ouvert » se joue avec sept cartes (au lieu de cinq) dont deux sont tenues en main et cinq autres sont exposées à la vue des autres joueurs. Cette configuration différente du poker ordinaire permet des combinaisons qui rapprochent ce jeu de celui du bridge, ce qui a d’ailleurs été mentionné dans la décision du Tribunal correctionnel. Or, il est constant que la jurisprudence considère le bridge comme un jeu dans lequel la technique prévaut sur la chance. Par suite, il n’est pas évident que le principe retenu dans cette décision à propos du « Texas Hold’Em » puisse être étendu à toute autre forme de poker entrant dans le champ d’application de la loi du 12 mai 2010.

Ainsi, les éventuelles conséquences de cette décision peuvent pour l’heure être circonscrites au poker de type « Texas Hold’Em » au sens du décret n°2010-723 du 29 juin 2010. Par ailleurs, la décision a été rendue par une juridiction de première instance et fera certainement l’objet d’un appel. Une attention particulière devra donc être portée aux suites données à cette décision de justice.


Source: iGamingFrance.com
pierre_59 a écrit :si vous disputez encore j'arrete de respirer

Christophilius a écrit :Même moi je suis pas sûr que je me stackerais.

BewareOfFrog a écrit :PH > Maths
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Farlen
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Messagepar Farlen » Mercredi 03 Août 2011 02:14

Très intéressant de constater comment le statut de ce qu'est un « jeu de hasard ». Comme en témoigne cet autre article qui complète le premier :

(source : http://www.igamingfrance.com/tribune-le ... esse/24089 )

Tribune : Le poker est un art, ou au moins un jeu d’adresse

Le poker est-il un jeu d’adresse ? C’est ce qu’a conclu le Tribunal de Grande Instance de Toulouse dans un jugement rendu en juin lors d’un cas contesté par un établissement accusé d’avoir organisé des parties de jeux de hasard de façon illicite. Une décision importante car elle présente une opinion importante sur le jeu, mais serait-elle suffisante pour modifier la régulation sur les jeux en ligne ? Alexandre Diehl, avocat à la cour, examine les faits.

Le Tribunal de Grande Instance de Toulouse a rendu un jugement en juin concernant l’application de la loi de 1983 où il a pu apporter une opinion importante sur la qualification du poker. Rappel des faits : Plusieurs prévenus ont comparu pour organisation illicite d’une maison de jeux de hasard (en l’espèce le poker) à Toulouse. Sans contester les faits, les prévenus (dont un professeur de bridge) ont tenté une défense osée : prouver aux juges que le poker n’est pas un jeu de hasard. Avec succès…

Cette défense se fonde sur les termes précis de l’article 1er de la loi du 12 juillet 1983 (nouvelle version) qui précise que le « fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d’une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d’un affilié, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 90 000 euros d’amende ». Or, lorsque la sanction est pénale, un juge doit interpréter la loi de manière restrictive, dans l’intérêt des prévenus. En conséquence, en combattant le fait que le poker soit un jeu de hasard, les prévenus tentaient de prouver qu’ils n’ont pas tenu de maison de jeux de hasard. En droit pénal, cette stratégie est fréquente mais rarement payante.

Qu’est ce qu’un jeu de hasard ?


La loi 12 mai 2010, nous précise en son article 2 que le « jeu de hasard est un jeu payant où le hasard prédomine sur l’habileté et les combinaisons de l’intelligence pour l’obtention du gain ».

Pour sa part, la jurisprudence a évolué avec le temps. C’est dans les années 1950 que la Cour de cassation au eu l’occasion de rappeler son interprétation:

- à propos de concours de mots-croisés « il résulte que son réputées loteries et interdites comme telles, toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard » (Crim, 31 juillet 1952);

- « après avoir constaté que le hasard jouait un rôle, même secondaire, dans la détermination du résultat, la Cour d’appel ne pouvait déclarer que les sanctions légales n’étaient pas encourues et que la décision de relaxe n’est pas justifiée » (Crim, 29 janvier 1958).

Dans les années 1970, à propos d’un concours de pronostics de football organisé par un hebdomadaire sportif, la Cour de Paris a jugé que « les concurrents… obligés d’envoyer leur grille plusieurs jours à l’avance, ne pouvaient tenir compte de certains facteurs tels que l’indisponibilité de dernière heure d’un ou plusieurs équipiers, les conditions atmosphériques ou de l’état du terrain ; ces éléments qui laissaient au hasard une part non négligeable, étaient de nature à mettre en échec les prévisions les plus sérieuses » (CA Paris, 28 avr. 1971). Dans cette affaire, les juges ont noté que le résultat obtenu ne dépend pas uniquement de la connaissance approfondie de la valeur des équipes en présence, mais également, dans une certaine mesure, du hasard et ont donc jugé illicite ces concours.

Il a fallu attendre les années 1990 pour voir la jurisprudence évoluer. Cette évolution s’inscrit dans un changement global des mentalités quant aux concours et aux jeux.

La décision la plus intéressante est probablement celle rendue par la Cour d’appel de Versailles le 4 mars 2009 (arrêt Partouche) concernant le poker. La question était de savoir si le poker induisait du hasard et donc si l’organisation payante de tournois de poker (en ligne) était illicite.

La Cour d’appel synthétise la jurisprudence établie et précise :

« Il est constant que le bridge, la belote ne sont pas considérés comme des jeux de hasard, dès lors que la chance entre en ligne de compte au seul début de la partie. Lorsque se fait la distribution des cartes, alors que par la suite le sort de la partie dépend du savoir, de l’attention et de la perspicacité des joueurs ; en effet, dans le jeu de bridge, l’imprévisibilité résultant de la distribution des cartes en début de partie est combattue par la multiplication de règles, qui font que sur la chance prédominent l’habileté et les combinaisons des partenaires et adversaires.

En revanche, s’agissant du jeu de poker, il apparaît que le tirage des cartes est prépondérant dans une partie, tirage qui ne peut se faire que dans le plus grand des hasards, lequel est uniquement neutralisé par la multiplication des parties et des coups, à l’occasion desquels le joueur se positionne en fonction d’événements aléatoires et de probabilités, excepté pour les experts et joueurs « professionnels »(…) ; même lorsque ces joueurs pratiquent le all in ou le pre-flop seuls entrent en jeu, après le tirage, la chance et donc le hasard ».

Il est extrêmement intéressant de noter que la Cour d’appel soutient qu’un jeu peut être licite si le sort n’intervient qu’au début du jeu et non dans la suite du déroulement. En d’autres termes, un jeu peut être licite même avec une part de hasard.

Pour bouleverser la jurisprudence, la Cour d’appel se justifie en s’appuyant sur d’anciennes jurisprudences (qui avaient été repoussées par la Cour de cassation en son temps) en soutenant qu’ « il convient de se reporter à la jurisprudence constante et ancienne de la Cour de cassation définissant ainsi les jeux de hasard : »jeux dans lesquels la chance prédomine sur l’adresse, l’habileté, la ruse, l’audace et les combinaisons des candidats« ».

La Cour relève également que la Cour de cassation avait décidé « que n’étaient jeux de hasard que « ceux où le hasard seul préside » (Cass crim 9 novembre 1861), la Cour de cassation a qualifié de jeu de hasard ceux où la chance prédomine sur l’habileté, la ruse, l’audace et les combinaisons de l’intelligence (5 janvier 1877 – 24 juillet 1891 – 28 mai 1930) ».

Finalement, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulouse est intéressant dans la mesure où il confirme un courant de jurisprudence naissant sur la vision du poker qui commence à être admis comme un art et non un jeu de hasard.

Cependant, cette qualification a plus de conséquences qu’on ne le pense.

L’article 1965 du Code civil précise depuis plus de deux siècles que « la loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari ». En d’autres termes, un joueur de poker n’avait juridiquement aucun moyen de contraindre un autre joueur de payer sa dette de jeu. Avec ce nouveau courant de jurisprudence, les perdants devront payer au risque de se retrouver devant un tribunal.

Autre conséquence : les impôts. En effet, dès lors que le poker n’est plus un jeu de hasard, les gains assimilés risquent d’être imposés. En d’autres termes, il est plaisant pour un joueur occasionnel de poker de savoir qu’il pratique un art, mais il va devoir payer des impôts désormais. Le joueur professionnel en payait déjà…

En revanche, dans la mesure où la loi du 12 mai 2010 prévoit expressément que toute organisation de poker en ligne est soumise à une licence de l’ARJEL, il nous semble ardu (voire impossible) de soutenir qu’une licence ne soit pas nécessaire pour organiser des tournois de poker en ligne.
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